Dans cette thèse nous nous interrogeons sur l’émergence d’une complémentarité stratégique entre l’agriculture et la biodiversité dans les territoires à haute valeur environnementale. Nous étudions l’exemple de la Camargue, zone humide d’intérêt international, où l’enjeu est de concilier agriculture et protection de l’environnement. Nous réalisons d’abord une analyse du contexte camarguais, en insistant sur les rapports ambivalents entre agriculture et biodiversité . Dans la mesure où la réforme future de la PAC va venir remettre en question les conditions d’octroi de ces aides, autant que leur volume global, le développement de la riziculture camarguaise passe à terme par son association à une image de terre sauvage et naturelle. Cette complémentarité stratégique de fait peut permettre de concevoir les futures politiques publiques et de justifier le maintien des aides à la riziculture camarguaise, par sa contribution à la gestion durable de la biodiversité. Nous examinons ensuite les conditions économiques d’émergence d’une riziculture biologique, dans ce contexte particulier. Les conditions de marché, et plus précisément la présence d’une concurrence imparfaite, caractérisés par la concentration de la fourniture d’intrants (herbicides et semences) en un petit nombre de fournisseurs. Leurs stratégies d’adaptation au développement des pratiques d’agriculture biologique sont contraintes par les conditions de marché et limitées aux quantités offertes. Nous étudions à quelles conditions un équilibre stratégique existe, et excluons des équilibres extrêmes (riz biologique dominant / exclu). Nos résultats placent les stratégies d’offre variétale au c?ur de ces interactions stratégiques, c’est pourquoi nous prolongeons cette approche stratégique par l’étude des déterminants économiques de la diversité variétale dans les exploitations rizicoles camarguaises. Celle-ci confirme la place accordée aux stratégies de niche, et met en avant le rôle des opportunités de marché et des réseaux dans les choix de porte-feuille de cultivars par les agriculteurs, au-delà des contraintes structurelles de l’exploitation. Enfin, une enquête de type “choice experiments” fait apparaître l’influence des normes collectives dans les préférences des riziculteurs camarguais pour les technologies de production dont ils disposent. Les résultats de cette étude empirique montrent qu’une grande majorité des producteurs pourrait adopter des technologies sans intrants chimiques, à condition d’être accompagnés de compensations financières équivalentes à celles accordées actuellement sans condition dans le cadre de la PAC. Au-delà du cas d’étude, la thèse fournit donc des enseignements utiles pour la conception de politiques publiques capables de concilier efficacité économique et développement durable. Elle est aussi une contribution à la réflexion sur la gestion intégrée multi-acteurs de l’agriculture et de la biodiversité à l’échelle d’un territoire à haute valeur environnementale.
Emergence d’une complémentarité stratégique entre agriculture et biodiversité dans les territoires à haute valeur environnementale : l’exemple de la Camargue
14 January 2014