L’exposition chronique de la population aux concentrations de polluants atmosphériques et les risques sanitaires associés sont au coeur du débat public. En Juin 2010, l’agence de protection américaine (EPA) a renforcé la norme nationale de qualité de l’air pour le dioxyde de soufre (SO2). Les précédents seuils, annuels et sur 24 heures, ont été abrogés. En 2012, une norme complémentaire destinée à protéger l’environnement a été mise en place. À la lumière des normes américaines, l’Union européenne (UE) ne devrait-elle pas également réviser les valeurs limites pour le dioxyde de soufre (SO2) pour la protection de la santé humaine ? Les seuils actuels permettent-ils une protection efficace des populations ? Les effets du SO2 sur la santé sont connus pour être associés à de faibles niveaux d’exposition (Organisation mondiale de la santé (WHO, 2005)). En raison des complexités et des incertitudes, évaluer les bénéfices et les coûts d’un renforcement des normes n’est pas une tâche facile. Des estimations économiques précises qui relient l’exposition à la pollution atmosphérique à des résultats observables sur la santé sont nécessaires (Schlenker et Walker, 2016).
Cet article s’insère donc dans une littérature économique récente qui cherche à mesurer l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé humaine. L’objectif de cet article est d’estimer l’impact d’une baisse définitive de la concentration en dioxyde de soufre liés au processus de raffinage du pétrole sur les admissions pour pathologies respiratoires. Les effets sanitaires de la production d’énergie sont estimés suite à la fermeture définitive de la raffinerie des Flandres dans le nord de la France en 2010. Cet article aborde une question qui présente un grand intérêt d’un point de vue des politiques publiques puisqu’il quantifie ex post les conséquences sanitaires de la suppression d’une source importante de pollution industrielle, au contraire des études médicales qui étudient le plus souvent l’impact de pics de pollution et fournissent des ordres de grandeur ex ante des effets à attendre.
Cette fermeture nous permet de prendre en considération les biais d’estimation présents dans la mesure des effets de la pollution sur la santé. Comparer l’état de santé des populations vivant à proximité d’un site polluant avec l’état de santé des populations vivant éloignés peut s’avérer complexe. En effet, les populations qui ont choisi d’habiter à proximité d’un site polluant ont par définition des comportements à risques qui peuvent expliquer leur mauvais état de santé. L’identification de l’impact de la fermeture de la raffinerie repose sur des différences à la fois spatiales et temporelles entre deux groupes, liées à un arrêt de la pollution. Donc l’article mesure bien l’effet de la pollution sur la population habituellement exposée à la pollution.
Un modèle de doubles différences est estimé sur les données de panel des concentrations en SO2 de l’Institut National de l’EnviRonnement Industriel et des riSques (Ineris), appariées au niveau communal aux données des admissions hospitalières pour les établissements publics et privés de l’Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation (PMSI). Dans un premier temps, l’article estime l’impact de l’arrêt des activités de la raffinerie des Flandres sur la concentration dans l’air du SO2. Toutes choses égales par ailleurs, l’arrêt de la raffinerie a pour effet une baisse de 5 μg/m3 de la concentration dans l’air en SO2 à Dunkerque. Les concentrations de pollution de l’article sont très faibles relativement à la norme d’émission. Toutefois, les résultats mettent en exergue un impact sanitaire positif et significatif de ces niveaux de concentrations. Le seuil actuel ne semble donc pas être suffisant à protéger la santé humaine.
Dans un deuxième temps, l’impact de cette baisse de la pollution atmosphérique est estimé sur la santé des populations avoisinantes. Deux indicateurs qui donnent respectivement un proxy de l’impact sanitaire quantitatif (nombre d’admissions) et qualitatif (durée d’hospitalisation pour la sévérité de la pathologie) sont retenus. La fermeture de la raffinerie n’a pas d’effet sur le nombre d’admissions mensuelles mais entraîne une baisse d’en moyenne un jour de la durée des hospitalisations pour pathologies respiratoires. Ces résultats sont déclinés par tranche d’âge ce qui permet de montrer que c’est pour les populations à risque (plus de 70 ans) et les 40-60 ans que cet effet est le plus fort et le plus significatif.
L’impact de la production d’énergie sur les pathologies respiratoires : le cas de la raffinerie des Flandres
26 March 2018