reize millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année dans le monde et plus particulièrement dans les pays tropicaux. Or, ces forêts tropicales constituent d’importants puits de carbone et leur sauvegarde pourrait contribuer à diminuer la quantité de CO2 atmosphérique (15 à 17% des émissions globales, Van der Werf et al., 2004 ; IPCC, 2007). Ces forêts abritent également les plus gros réservoirs de biodiversité terrestre à l’échelle mondiale avec plus de 50% des espèces animales et végétales connues (FAO, 2010). Pour ces raisons les forêts tropicales possèdent certaines caractéristiques d’un bien public global. Mais si renoncer à déforester engendrerait des bénéfices au niveau mondial, il y aurait néanmoins des coûts d’opportunité conséquents pour les pays riches en forêts tropicales. Les pays tropicaux ne souhaitent donc pas assumer seuls les coûts de la sauvegarde des forêts. En 2005, lors de la Conférence des Parties de la Convention Cadre sur le Climat des Nations Unies, plusieurs de ces pays ont proposé la mise en place d’un mécanisme de transfert des pays du Nord vers les pays du Sud qui réduisent leur déforestation. Même si les détails de la mise en place de ce mécanisme restent encore à préciser, tous les pays membres de la convention ont déjà signé un accord de principe, reconnaissant ainsi la nécessité d’un tel dispositif. Cette proposition soulève certaines interrogations : Un tel mécanisme peut-il inciter de manière efficace les pays du Sud à mettre en place des politiques publiques afin de réduire leur niveau de déforestation ? Et les efforts seront-ils équitablement répartis ? Sinon, est-il possible de trouver un mécanisme alternatif afin d’atteindre ces objectifs ? Cette thèse mobilise les outils de la théorie des jeux, de la théorie des mécanismes incitatifs ainsi que l’économie expérimentale pour répondre à ces questions. Elle comporte des éléments de cadrage sur la déforestation et son contexte international, suivis de trois chapitres originaux . Le premier chapitre donne une description modélisée d’un des scenarios possibles pour le mécanisme de transfert proposé par la communauté internationale. Cette modélisation permet une étude précise de cette option, de ses propriétés incitatives et de son efficacité. Il en résulte que ce mécanisme n’incite pas les pays du sud à réduire leur niveau de déforestation de manière efficace ; il peut même avoir des conséquences perverses avec une déforestation d’autant plus grande que les fonds consentis par le nord sont importants. Le deuxième chapitre se donne pour objectif d’implémenter un niveau de déforestation Pareto optimal, complété d’exigences d’équité. Il construit un mécanisme d’implémentation en équilibre de Nash parfait en sous-jeux. Il a deux traits caractéristiques : un agenda et un choix de baselines. Son agenda comporte deux étapes. La première peut s’interpréter comme une phase de négociation sur le prix alloué à la déforestation évitée. La seconde est une étape de choix des niveaux de déforestation dans le Sud. Les transferts incitatifs sont réalisés ex-post. Le choix des baselines permet de satisfaire, dans une certaine mesure, certaines exigences d’équité, en particulier deux axiomes originaux de responsabilité environnementale. Enfin, dans le troisième chapitre, les performances du nouveau mécanisme sont testées en laboratoire.
Mécanismes incitatifs dans un contexte d’externalité environnementale négative : le cas de la déforestation tropicale
14 January 2014