Les défis mondiaux du 21ème siècle sont nombreux et majeurs : le changement climatique, la raréfaction rapide des ressources naturelles, la dégradation des terres et des écosystèmes avec une perte majeure de biodiversité, l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, les inégalités d’accès aux ressources, à l’éducation et à la santé, l’urbanisation. La recherche, les entreprises et les sociétés humaines doivent donc imaginer et trouver de nouveaux moyens de produire, d’utiliser et de consommer, qui respectent les limites écologiques de la planète et assurent la sécurité alimentaire, énergétique et le bien-être des populations. C’est dans ce cadre que la bioéconomie est très souvent mise en avant comme une des solutions pour relever ces défis. En effet la bioéconomie est définie, au niveau européen, comme le développement d’une économie circulaire et durable, fondée sur la production, la transformation et le recyclage de ressources biologiques renouvelables, permettant en particulier de substituer du carbone renouvelable au carbone fossile, et contribuant ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en préservant les ressources naturelles, la biodiversité et en amplifiant les services écosystémiques1. En cela elle répond parfaitement aux enjeux du Pacte Vert pour l’Europe2. Ce passage d’une économie pétro-sourcée vers une économie biosourcée, qui est proposé au travers de la bioéconomie, apparait comme un moyen majeur pour lutter contre le changement climatique et faire face aux questions de sécurité énergétique mais aussi de sécurité alimentaire et nutritionnelle. L’enjeu est donc bien plus complexe qu’un changement de ressources. Pour mener à terme cette transition, il est essentiel de prendre en compte simultanément les concepts de durabilité et d’économie circulaire et d’analyser les tensions physiques et écologiques de la production et de la disponibilité réelle de la biomasse et de l’utilisation optimale et responsable des matières premières, ce qui change radicalement toutes les interactions entre les acteurs économiques. En effet le développement des produits et services biosourcés, en substitution de ceux issus de la pétrochimie, ne peut s’opérer que si les solutions qu’ils apportent sont plus compétitives, à la fois sur les dimensions coûts et prix, qualités et fonctionnalités. Dans le cas des marchés de commodités, les coûts des produits biosourcés seront fortement dépendants des coûts de la matière première et dépendront donc de la concurrence entre usages de cette matière première. Au-delà des évolutions de l’offre et de la demande, l’orientation des marchés dépendra aussi des choix politiques faits en matière de taxation des activités polluantes (taxe carbone), de réglementations sur l’exploitation des ressources naturelles, d’appui des budgets publics aux investissements verts, et d’organisation du commerce international. Ces choix sont fortement dépendants des rapports de force entre différents groupes d’intérêt, des engagements internationaux, et des exigences de la société civile. Les marchés et filières de la bioéconomie doivent donc également être analysés au prisme de tensions économiques et socio-politiques favorisant ou non leur émergence. En parallèle, la dynamique de l’offre industrielle de produits biosourcés (et son potentiel économique en matière d’emplois et de création de valeur ajoutée au niveau des territoires) constitue un facteur d’influence indirect sur les politiques publiques (règlementation, politiques d’accompagnement incitatives) et sur la construction de normes sociales. Enfin les choix politiques aux différentes échelles (locales, nationales, européennes, internationales) poseront la question des modèles de croissance que notre société souhaite privilégier dans l’avenir, comme par exemple les propositions pour des modes de consommation plus sobres, recentrés sur les ressources locales, et respectant les limites écologiques de la biosphère.
Réflexion prospective interdisciplinaire bioéconomie – Rapport de synthèse
8 January 2021