Cet exposé propose un parcours dans un domaine qui a fait couler beaucoup d’encre depuis une dizaine d’années : celui de l’association d’une valeur économique aux avantages que nous procure la nature. La question est beaucoup plus ancienne, mais elle a suscité beaucoup d’interrogations depuis qu’elle a pris de l’importance dans le champ institutionnel. D’abord, parce que son contenu n’est pas consensuel. Un certain nombre de chercheurs, d’experts ou de citoyens considèrent qu’associer une valeur économique à la biodiversité et aux services écosystémiques, c’est passer à côté du problème et se focaliser sur une dimension qui n’est peut-être ni essentielle, ni même très pertinente. Les méthodes qui sont mobilisées par les économistes – qui, pour la plupart, existaient précédemment et ont été recyclées pour répondre à ces questions – ont fait depuis longtemps l’objet de contestations pour diverses raisons que nous allons essayer d’explorer et de préciser.On peut commencer par deux affirmations que j’aime bien opposer. C’est, d’une part, une phrase d’un écologue, Robert Scholes, qui exprime ce que beaucoup de gens et de citoyens pensent spontanément : c’est que la valeur de la biodiversité est infinie ; sans la nature, sans les écosystèmes, sans la biosphère, il n’y aurait même pas d’humanité. C’est donc une question étrange que de se demander quelle peut être la valeur économique totale de la nature. La question serait en fait sans objet. D’autre part, une citation de Robert Costanza, célèbre écologue américain actuellement professeur d’économie écologique en Australie, qui est sans doute le chercheur le plus connu à l’échelle mondiale dans le domaine de l’évaluation de la biodiversité et des services écosystémiques. Il a écrit en 1998 : « Dire que l’on ne devrait pas évaluer les écosystèmes est un déni de la réalité qu’on le fait déjà, on l’a toujours fait, et on ne peut éviter de continuer à le faire. » Comment est-ce que deux personnes hautement qualifiées, intelligentes et compétentes peuvent avoir des avis qui semblent aussi divergents ? Sans doute parce que ces deux personnes ne parlent pas de la même chose. À travers cet exposé, j’espère vous convaincre qu’ils ont tous les deux raison.
Evaluer la biodiversité et les services écosystémiques. Pourquoi, comment, pour quels résultats, avec quelles limites
17 March 2020